Une projection spéciale de son film « Thalathoun » a réuni un public ému et des professionnels du milieu pour célébrer l’héritage d’un artiste dont l’œuvre a profondément marqué la culture tunisienne.
Ce moment fort a permis de raviver la mémoire de Jaziri, un créateur audacieux dont les contributions au cinéma, au théâtre et à la musique continuent d’inspirer.
« Thalathoun » : Une fresque historique en noir et blanc
Sorti en 2008 et projeté aux Journées cinématographiques de Carthage en 2010, « Thalathoun » est une œuvre majeure de Fadhel Jaziri, coécrite avec Aroussia Nalouti.
Ce film en noir et blanc, mêlant images d’archives et scènes fictives, plonge dans les années trente, une période charnière de l’histoire tunisienne.
Avec Rami Afana dans le rôle de Mohamed Ali El Hammi, Ali Jaziri incarnant Tahar Haddad, Maher El Hefidhi en Abou el Kacem Chebbi, et Walid Nahdi jouant Ali Douagi, le film donne vie aux figures clés de cette époque tumultueuse.
« Thalathoun » s’ouvre sur les premières manifestations du mouvement syndical, menées par Mohamed Ali El Hammi, dont l’engagement lui valut dix ans d’exil pour avoir défié l’ordre colonial.
À travers une narration poétique et des dialogues fictifs, Jaziri imagine les liens entre ces figures historiques, tout en dressant le portrait d’une société tunisienne figée par les traditions et résistante au changement.
Le film met en lumière les combats de ces réformateurs, confrontés à la censure, aux arrestations et aux persécutions, mais dont l’influence a façonné la Tunisie moderne.
Une époque de combats et d’idées audacieuses
Les années trente, période dépeinte dans « Thalathoun », furent marquées par un élan réformateur porté par une jeunesse visionnaire. Tahar Haddad, fervent défenseur des droits humains et de l’émancipation féminine, s’est heurté à une opposition farouche dans une société dominée par le patriarcat. Abou el Kacem Chebbi, surnommé « le jeune prodige », fut moqué pour son imaginaire poétique audacieux, parfois même violemment rejeté.
Livres interdits, complots et exils ont jalonné le parcours de ces figures, mais leur héritage a résisté à l’épreuve du temps, posant les bases d’une société plus progressiste.
L’empreinte de Fadhel Jaziri
À travers « Thalathoun », Fadhel Jaziri ne se contente pas de documenter l’histoire ; il invite à une réflexion profonde sur le rôle de l’art dans la préservation de la mémoire collective et l’éveil des consciences. Son œuvre transcende l’esthétique pour devenir un acte de résistance culturelle.
Le choix de projeter ce film lors du Festival de Carthage 2025 reflète l’importance de son message et la pérennité de son engagement. Jaziri, à travers son génie créatif, a su transformer les luttes du passé en une source d’inspiration pour les générations actuelles et futures.
Fadhel Jaziri n’était pas seulement un cinéaste, mais aussi un homme de théâtre et un musicien qui a redonné vie au patrimoine tunisien. De ses rôles mémorables sur scène à ses spectacles musicaux comme « El Hadhra » ou « El Mahfel », il a incarné l’âme d’une Tunisie vibrante et résiliente. Son départ laisse un vide, mais son œuvre continue de rayonner, rappelant que les grands esprits ne meurent jamais.